Lauzzana-Dionis : le «défenseur de Macron» face au «Macron-compatible»

Écrit par Jean-Louis Amella (ladepeche.fr)

debat

Dire que ces deux-là se connaissent bien est un lieu commun. Dire que les dossiers qui les séparent sont infiniment moins nombreux que les sujets qui les réunissent est une vérité. Au fond, un débat entre un « défenseur de Macron » et un « Macron-compatible » ne peut pas donner des étincelles ou du grain à moudre pour les journalistes et les électeurs. Quelques escarmouches dans un débat de 75 minutes, diffusé hier en direct sur Radio Bulle et que l'on peut réentendre en podcast sur le site de la radio agenaise, et animé par Stéphane Bersauter (Groupe Dépêche) et Bastien Superbie (Groupe Sud-Ouest). Morceaux choisis

 

Hausse de la CSG et baisse des charges sur les salaires

MICHEL LAUZZANA

«Vous imaginez bien que je pense qu'il s'agit d'une bonne idée. Pourquoi ? On le sait en France les charges pèsent trop sur les salaires. Il faut maintenant répartir les charges sociales y compris sur une plus large assise. C'est ce qui a beaucoup pénalisé, dans les années passées, les salariés et les entreprises. La hausse de la CSG, trop de charges concentrées sur les salaires. Donc, il fallait faire quelque chose. La hausse de la CSG va être de 1,4 %, tout de suite. Je sais, que c'est le procès que l'on fait à Emmanuel Macron, nous savons que les petites retraites ne seront pas touchées, c'est exclu. Et ces petites retraites, moins de 1200 €, ne seront pas touchées par la hausse de la CSG. 40 % des retraités ne seront ainsi pas soumis à cette CSG. Cette hausse sera largement compensée par le fait de ne plus payer la taxe d'habitation. Il faut voir d'ailleurs dans sa globalité, le programme d'Emmanuel Macron qui va amener du pouvoir d'achat. Il y a par ailleurs une augmentation prévue de l'allocation vieillesse. Donc cette mesure que l'on veut pointer du doigt doit être vue dans son ensemble. La fiscalité d'Emmanuel Macron est à la fois juste et elle est dynamique. Tout le monde est d'accord pour dire depuis de nombreuses années que la taxe d'habitation est injuste. Alors soit on ne fait rien, on continue dans l'injustice, soit on avance. Macron a proposé un système qui est bon parce que cela va redonner du pouvoir d'achat.

JEAN DIONIS

«Non, ce n'est pas une bonne idée ! Ce n'est clairement pas une bonne idée et il faut être plus précis. On a pris une retraite déjà significative, 1500 € par mois, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas à ce niveau-là. Ceux qui ont une retraite de 1 500 € paieront t 300 € de plus de CSG. C'est un prélèvement très important et nous pensons que pour le coup, c'est mal construit et c'est exorbitant. On aurait préféré un mix différent avec une dépense plus forte des dépenses publiques. On est très très haut en prélèvements obligatoires, la France est championne d'Europe en prélèvements obligatoires. Donc il y a un moment où il faut dire «basta» les hausses d'impôts. Et l'idée de Fillon d'aller chercher la TVA comme assiette était meilleure. C'est l'idée de la TVA sociale, on fait payer les importations, là, on ne fait payer que les revenus. Il y a des idées avec lesquelles je suis plutôt Macron compatible, mais là je ne le suis pas et vraiment l'orientation que prend Macron est aussi très floue au niveau fiscal. Quant à la suppression de la taxe d'habitation, c'est peut-être une idée qui est habile au niveau électoral, et je reconnais qu'Emmannuel Macron est très habile, mais sur le fond je suis opposé à cela. Il s'agit de concentrer la taxe d'habitation sur 20 % de la population, alors qu'aujourd'hui 50 % de la population ne la paie pas. C'est exactement l'inverse de ce qu'il faut faire. L'impôt doit être payé par tout le monde. Je suis d'ailleurs surpris. Il faut une assiette la plus large possible et des taux les plus bas possible. Là on fait l'inverse, on va concentrer le paiement de la TH sur 20 %. Qui cela va-t-il concerner ? Les classes moyennes, encore une fois les classes moyennes. Ça va coûter 10 milliards d'€ à un Etat qui dit qu'il va compenser. La compensation ne se passera pas dans le temps, les communes vont y perdre et les quelques qui devront payer, vont payer beaucoup plus. Alors là, très clairement, il y a une idée qui n'est pas bonne.

 

Macron compatible cela n'existe pas...

MICHEL LAUZZANA

«Macron compatible, ce que dit Jean Dionis, cela n'existe pas. Il y a des gens qui sont investis par Macron, qui vont porter sa politique, qui vont la défendre, politique que les Français veulent voir appliquer par le gouvernement et il y en a d'autres qui ne le sont pas. C'est important de dire aussi que je ne refuse pas de travailler avec tout le monde, c'est une nouvelle procédure que l'on veut mettre en place, un nouveau fonctionnement. Il y a des gens qui sont Macron, d'autres qui ne le sont pas. Après je suis d'accord pour travailler avec tout le monde, au contraire c'est d'ailleurs ce que j'ai prôné durant cette campagne.»

JEAN DIONIS

«Je suis Macron compatible sur certains sujets et ce n'est pas Michel Lauzzana qui va m'empêcher de dire cela. Moi je suis au Centre depuis maintenant 25 ans. Michel Lauzzana arrive, il est récemment converti. Pendant très longtemps il a été un cadre actif du Parti socialiste donc ce n'est surtout pas lui qui va m'empêcher de dire quand est ce que je serai Macron compatible ou pas. Je le suis sur certains thèmes, notamment la construction européenne, qui est à la base de mon engagement politique. Je le suis aussi sur le libéralisme économique pendant que le Parti socialiste était encore sur une vulgate marxiste. Je serai donc libre de dire les choses, je serai constructif quand il le faudra et quand, notamment sur la fiscalité, nous penserons que ce qui s'ébauche est injuste et confus. On le dira... C'est ça la liberté, plutôt que d'être encore une fois un bon petit soldat de Macron et député godillot de Macron.

MICHEL LAUZZANA

«Godillot, c'est une attaque personnelle. Je dirai que Macron compatible dans la bouche de Jean Dionis, c'est nouveau. Tous les Agenais ont reçu une lettre de Jean Dionis avant le premier tour de la présidentielle dans laquelle il expliquait que Macron c'était ce qu'il y avait de pire. Donc Macron compatible je veux bien. Qu'il y ait des idées que l'on partage, c'est autre chose et je suis heureux que M Jean Dionis du Séjour pense qu'il y a des idées que l'on peut partager. Ensuite je ne serai pas un député godillot. C'est bien mal venu de donner ces noms-là. Je resterai un député libre, c'est sûr, et loyal. Je resterai libre, je l'ai toujours été, y compris dans mon ancien parti que j'ai quitté il y a longtemps, c'est bien pour cela d'ailleurs que je l'ai quitté...

JEAN DIONIS

«Ce que vient de faire Michel Lauzzana est un amalgame, sur la lettre de soutien à Fillon. Moi je pourrais faire des amalgames sur le parcours politique de Michel Lauzzana. Il a soutenu Dominique Strauss-Khan, il a soutenu Jérôme Cahuzac et je ne dis pas qu'il est aujourd'hui Dominique Strauss-Khan ou Jérôme Cahuzac. Effectivement, au premier tour de la présidentielle, j'ai appelé à voter Fillon et, au deuxième tour, ça, il ne le dit pas, j'ai fait campagne pour Emmanuel Macron. Il faut arrêter ce genre d'amalgame parce qu'en termes de cohérence, s'il y en a un qui a tenu un certain nombre de valeurs au Centre c'est moi et pas Michel Lauzzana.

 

La démographie médicale

MICHEL LAUZZANA

«C'est un sujet qui me fait bouillir par moments en tant que médecin. Il y a deux aspects : la désertification médicale à proprement parler. Le premier élément à mettre en avant, c'est d'abord d'augmenter le nombre de médecins parce que nous sommes en pénurie. On peut bien les obliger à s'installer n'importe où, il faut quand même du renouvellement et on ne sort pas actuellement suffisamment de médecins. Deuxième chose, il faut donner envie aux jeunes médecins de s'installer, et je dis cela parce qu'il y a de plus en plus de jeunes médecins salariés. La médecine générale n'est plus attractive. La réponse des maisons médicales n'est qu'une réponse de deuxième niveau. Dernier point qui me paraît très important, il faut que nous fassions des petits villages, des lieux où il fait bon vivre. Macron parle alors du désenclavement numérique. Un radiologue m'expliquait qu'il faut du numérique parce qu'il n'y a pas de radiologue à l'hôpital de Nérac. J'ai vocation à être à l'Assemblée un de ceux qui se préoccupent le plus de ce sujet que je vis moi au quotidien. C'est clairement un des principaux sujets dont je veux m'occuper. On ne peut pas travailler dans les petits hôpitaux, ce qui n'a rien de péjoratif, comme il y a 30 ans. Pour un service d'urgence il faut par exemple un minimum de praticiens. On ne peut pas continuer comme avant. Il faut transformer les petits hôpitaux en hôpitaux de proximité et en lien avec les hôpitaux comme celui d'Agen. On a un autre problème sur les écoles d'infirmières. Nous sommes le seul département à avoir trois écoles d'infirmières, c'est une hérésie, il faut d'abord régler ce problème avant de construire. Mettons-nous autour de la table, résolvons ce problème et si cela se fait à Agen j'en serais évidemment très heureux.

JEAN DIONIS

«Michel Lauzzana a des réactions justes, mais il est trop gentil. Cette affaire est beaucoup plus lourde et beaucoup plus douloureuse que cela. Et moi, si je suis élu, je porterai cette révolte du monde rural par rapport à la France métropolitaine. Vous ne ferez pas venir à Mézin un jeune couple avec des enfants s'il n'y a pas une école de qualité... En clair il faut soutenir le chantier du plateau technique d'Agen et, en même temps, il faut parler clair, il faut des urgences à Nérac, et pas de façade. Agen va déposer un dossier pour avoir une première année d'études médicales comme Pau. Il faut que l'on s'inscrive dans le premier cycle d'études médicales. Il faut que l'on accélère le chantier de la nouvelle école d'infirmières — on a trouvé un bon site à l'ancienne Macif — tout cela fait partie d'une politique offensive sur Agen-Nérac.

 

Les dangers de l'externalisation à UPSA

JEAN DIONIS

«C'est un sujet plus large que celui de l'externalisation. UPSA c'est 1 400 personnes et UPSA est dans un environnement normatif qui fait qu'aujourd'hui il peut se développer du fait notamment qu'il n'y ait pas de prescription obligatoire en molécule générique. Il faut surtout préserver cet environnement-là et il y a des tentations aujourd'hui sur ce sujet-là. Et c'était la mobilisation d'il y a trois ans qui a fait reculer le gouvernement qui, dans un premier temps, avait envisagé d'ouvrir les vannes là-dessus. L'externalisation, c'est un sujet qui touche une centaine de personnes. Principalement la maintenance industrielle et la restauration. Il y a un enjeu de savoir si on confie ses fonctions-là à un partenaire extérieur qui est Véolia et à quelles conditions cela se fait. Le personnel est inquiet et c'est normal, pourquoi ? Le fait de confier ces missions à un partenaire extérieur change le statut du personnel, un statut auquel ils tiennent, celui de BMS, au statut de Véolia. Première chose à faire dans ce dossier c'est l'étude d'impact, à savoir ce que cela rapporte à BMS et il faut être transparent. Il faut dire d'abord «voilà ce que l'on gagne en argent», on n'est pas là pour contraindre la vie d'une entreprise privée et ensuite «qu'est que ça change au point de vue qualité de service». J'ajoute que chaque fois que l'on parle de BMS, il ne faut pas parler uniquement des salariés de l'UPSA mais aussi des salariés, des sous-traitants, de rang 1 ou de rang 2, il faut avoir une option «patriotique» agenaise. J'ai appelé le directeur général de BMS France qui m'a garanti que l'on aurait s ces impacts consolidés et que c'est à partir de là qu'il prendrait sa décision.»

MICHEL LAUZZANA

«Les syndicats n'ont pas demandé à me voir pour l'instant c'est bien volontiers que je les recevrai une fois élu. Cela ne m'a pas empêché d'avoir des discussions avec certains syndicats et de me préoccuper de ce qui se passe à UPSA. On a parlé de problèmes techniques, mais je voudrais parler un peu plus de l'humain. Quelles sont les interrogations des employés de l'UPSA ? L'interrogation, c'est de savoir qu'elle va être la conséquence de la perte de leur statut. Ils ont un statut et une position qui ne seront plus du tout les mêmes et ils peuvent se demander si à terme l'emploi sera maintenu. C'est aussi une entreprise qui, au niveau mondial, gagne de l'argent. Nous devons faire attention pour qu'au niveau local, les emplois restent pérennes. Les préoccupations sont des préoccupations au niveau de l'humain aussi et pas seulement technique.