LE SENS ET L’EFFICACITE DES PEINES

Écrit par Michel Lauzzana

 

 

Le mardi 6 mars 2018 a vu notre Circonscription Agen-Nérac accueillir le Président de la République Emmanuel Macron. Au cœur même de l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire à Agen, il a souhaité lancé sa réforme de la justice pénale par un discours novateur sur le sens et l’efficacité des peines.

Ce fut un discours fondateur, un discours à la foi philosophique et concret, de ce que représente la justice. De cette analyse sur le sens de la peine découlent des mesures au bénéfice du système carcéral. Ce fut le lancement d’une réforme d’ampleur et sans idéologie.

 

Cette réforme de la justice est fondée sur deux piliers qui sont : l’effectivité des peines et la dignité. L’effectivité des peines, c’est-à-dire, penser le sens de la peine, son efficacité, parce que, comme l’a évoqué le Président : « protéger nos concitoyens, ce qui est au cœur des missions régaliennes, c’est aussi savoir punir celles et ceux qui ont effectué des choses répréhensibles ».

D’autre part, la dignité de l’individu incarcéré. L’individu fautif, dont le jugement aboutirait à une peine de prison, est condamné à une incarcération, mais pas à perdre tous ses droits. En cela la réforme de la justice vise à renouveler les opinions au sujet du prisonnier qui, par sa condamnation, n’est pas destiné à perde l’usage de ses droits.

L’histoire commence lorsqu’un homme ou une femme dépasse la frontière de la légalité et parfois commet le pire, l’histoire prend fin lorsque ces individus auront retrouvé une place dans la société. Là est l’enjeu du sens et de l’efficacité des peines, que l’individu soit certes puni pour ses fautes et que sa sanction lui permette de revenir au sein de la société et non pas à son écart.

 

La France connait aujourd’hui une surpopulation carcérale, de là découlent de mauvaises conditions pour les condamnés mais également pour le personnel pénitentiaire. Des conditions qui ne permettent pas de reprendre ensuite une vie normale, d’éviter la récidive. Le problème immobilier relatif au nombre de place dans les prisons ne peut plus être avancé comme seul problème à la situation au sein de nos prisons, toutefois l’engagement de quinze mille places supplémentaire pris sous le précédent quinquennat est maintenu.

Aujourd’hui Monsieur le Président Emmanuel Macron vise une solution en amont, une solution qui passe par la refonte du sens et de l’efficacité de la peine. Ainsi il nous dit que la peine « a pour fonction d’éduquer, pour permettre à chacune de retrouver une place dans la société. […] La peine n’est pas l’annihilation sociale et morale de l’individu. […] Un individu condamné est voué à se réinsérer, à retrouver une dignité à travers la peine et la mission politique qui est la nôtre est de faire que la punition permette que ce retour dans la société ne constitue pas un risque renouvelé ou accru ».

Face à la surpopulation carcérale, les lois de 2004 et 2009 instaurant l’aménagement des condamnations par le juge d’application des peines, sont devenues désuètes. En transformant trop souvent une peine d’emprisonnement prononcée par un juge en audience publique en une autre par un autre juge dans son cabinet, on déresponsabilise quelque part toute la chaîne judiciaire.

Le taux d’occupation des maisons d’arrêt est en moyenne de 141%, 200% pour certaines d’entre elles, 120% pour la maison d’arrêt agenaise, dont près de 30% sont en détention provisoire, non condamnés.

Nous devons donc changer ce système qui ne protège plus suffisamment, qui mine le personnel pénitentiaire et empêche ceux qui le pourraient de se réinsérer. Ainsi le gouvernement propose de mettre en œuvre deux nouvelles dispositions :

  • Le dossier unique de personnalité : ce dossier existe déjà pour les mineurs, il permet que les informations glanées au fil des enquêtes ou des procédures sur une personne ne soient pas perdues mais puissent être réutilisées lors du procès.
  • Le Mandat de dépôt différé : il permettrait à une personne considérée comme non dangereuse, qui a commis une faute, de pouvoir « mettre de l’ordre dans ses affaires » avant d’être incarcérée pour, soit sauver son emploi, soit mettre à l’abri sa famille.

Par ailleurs le gouvernement souhaite également mettre un terme à l’automaticité pour les peines inférieures à un an. « La sanction qui protège la société n’est pas celle qui consiste à vous faire perdre votre emploi et vous pousser sans douter encore vers davantage de déviance » comme l’a rappelé le Président.

Cette nouvelle politique de la peine permettra de faire preuve tout à la fois de la fermeté nécessaire pour protéger les citoyens en luttant contre la récidive, en écartant les personnes qui doivent l’être parce qu’elles ont commis des faits qui le justifient, en oubliant ni les victimes ni les condamnés, mais en ayant une approche tout à la fois plus pragmatique et conforme à cette nouvelle philosophie.

Ainsi l’effectivité garantit que la peine ait du sens pour les victimes, pour la société et même pour les coupables eux-mêmes dans un processus de rédemption dont ils saisissent la portée symbolique et physique. L’effectivité des peines, c’est donc de repenser la manière dont on les décide, dont on les applique et d’en refonder en quelque sorte la philosophie profonde.

Mais il est également question de dignité, ce qui consiste à chaque instant à se rappeler que le détenu est un individu simplement privé de liberté mais pas privé des autres droits qui sont les siens et qui a vocation à se réintégrer pleinement dans la vie de la société

La prison doit être un temps utile et un lieu de dignité, d’où découle la fonction éducative de la peine, mais surtout de la protection de la société dans la durée. Aujourd’hui un individu incarcéré connait une activité moyenne de 3h34 au quotidien pour 24 minutes le week-end. En 2000, 46,5% des détenus avaient une activité. Aujourd’hui, c’est 29% d’entre eux. Des initiatives vont donc être lancées pour que d’une façon générale l’activité soit au cœur de la peine, qu’il s’agisse de travail ou de formation, mais également de la capacité à offrir aux condamnés la possibilité de réintégrer pleinement la communauté nationale.

Le droit du travail doit pouvoir s’appliquer aux détenus. Le détenu qui travaille au sein de l’administration pénitentiaire soit en lien contractuel avec des garanties qui s’y attachent, et non plus avec un acte unilatéral avec la négation de tous les droits.

Cette application du droit du travail serait couplée à l’accroissement des travaux d’intérêt général, avec notamment la création d’une agence de travaux d’intérêts généraux : peine significative, contraignante et synonyme de réintégration dans la société par le travail pour le condamné.

Le travail d’intérêt général ne représente aujourd’hui que 6% des peines prononcées, alors qu’il a un taux d’exécution de 80% et que, comme l’ont montré les études récentes, le taux de récidive est de 61% pour les sortants de prison analysés dans une cohorte comparable contre 34% pour les bénéficiaires d’un travail d’intérêt général avec les mêmes peines.

Tant de propositions, de solutions, pour le bien fait de tous, des solutions visant à une meilleur accompagnant suivi d’une meilleure réinsertion dans la société des individus incarcérés, dans le but d’éviter la récidive.